Depuis toujours, nous avons eu une gestion extensive de nos cultures et intensive de notre troupeau de vaches laitières ! ». Ghislain de Viron, éleveur dans la Sarthe à Rouperoux-le-Coquet, au Nord du Mans, concilie approche agro-environnementale et performance économique. Le modèle alimentaire associe fourrage, maïs ensilage et tourteaux de soja. Alors, quand en 2015, l’empreinte carbone de sa ferme a été calculée sur la base des données recueillies en 2013, rien d’étonnant à ce que les voyants concernant les critères « achats d’engrais azotés, de fioul et d’électricité » soient au vert.
Viser l'autonomie énergétique
Même si le périmètre de l’exploitation a ensuite bougé en 2014 lorsque son fils a rejoint le Gaec familial, portant le troupeau de vaches laitières de 70 à 100 têtes, et ajoutant 41 hectares aux 105 déjà cultivés, Ghislain de Viron et son épouse Charlotte sont restés sur une même stratégie : « agir
progressivement sur tous les paramètres de l’exploitation pour gagner en efficience. » Les panneaux photovoltaïques installés depuis 2007 sur les bâtiments d’élevage lui apportent l’autosuffisance énergétique. L’acquisition en 2014 d’un prérefroisseur de lait, qui abaisse grâce au circuit d’eau froide destiné aux animaux la température du lait avant son stockage dans le tank, a réduit davantage ses charges en énergie.
Le recours systématique aux techniques culturales simplifiées, prônant un minimum d’intervention sur le sol, limite les dépenses en carburant. Le lisier et le fumier fertilisent les cultures. Si un complément en engrais azoté minéral est nécessaire pour les céréales afin d’obtenir un bon taux de protéines dans les grains, elles ne reçoivent plus de potasse et de phosphore. Autre indicateur non négligeable en polyculture-élevage concernant l’atténuation des changements climatiques, et qui apparaît d’un bon niveau pour cette ferme : le stockage du carbone dans les prairies. Avec un tiers de ses 105 ha destinés à la pâture et à la fauche, complétés par 20 km de haies, 0,14 kg éq. CO2 par litre de lait vendu sont stockés chaque année dans le sol, alors que la moyenne nationale pour les exploitations avec plus de 40 % de surface fourragère en maïs est de 0,06.
Plus d’herbe en quantité et en qualité
Pour réduire notre consommation en tourteaux de soja nous cultivons plus de céréales et nous stockons plus notre herbe afin de la valoriser au maximum. »
Pas de surprise non plus pour l’éleveur lorsque le diagnostic identifie des progrès réalisables du côté de la consommation en aliments concentrés, en l’occurrence du tourteau de soja, pour apporter des protéines dans la ration. Afin de maintenir un niveau de 8 000 litres par vache laitière, la seule herbe ne peut suffire. « Nos terres ne permettent pas d’en avoir suffisamment en période estivale, la pousse n’est pas assez active, surtout lorsque nous subissons des coups de chaleur », relève-t-il. Pour améliorer son autonomie alimentaire, il a accru le stockage de fourrage : « L’herbe est mieux gérée, on ne subit pas de pertes en cas d’aléas climatiques. Les vaches broutent désormais 15 ha en accès libre contre 25 en 2012 ». Les surfaces en maïs sont maintenues, car les supprimer mettrait en péril la production de lait. Cette culture, non irriguée, reste la mieux adaptée à son terroir. Elle valorise bien la réserve hydrique d’un sol. Quant à l’introduction de luzerne, souvent recommandée pour remplacer les tourteaux de soja, elle n’est tout bonnement pas possible sur ses sols qui s’assèchent trop vite. En revanche, Ghislain de Viron a destiné 7 ha à la culture de l’épeautre, qui vient se substituer au tourteau dans l’alimentation.
Meilleur impact environnemental et moins de charges
Quoi qu’il en soit, l’éleveur veille à l’état sanitaire de son troupeau et à la qualité de son lait afin de vérifier si les apports en énergie et en protéine sont adaptés aux besoins « Nous contrôlons toujours le taux de perte de l’urée dans le lait, signe d’une bonne valorisation de la ration. » Prochaine étape ? Peut-être la méthanisation, et la couverture de la fosse à lisier. Ce dernier point est ressorti lors du diagnostic, car l’ammoniac et le protoxyde d’azote s’échappent dans l’air. Mais à court terme, les yeux sont surtout rivés sur les résultats économiques, « baisse du prix du lait oblige ». Il estime que la stratégie bas carbone centrée sur une meilleure efficience de la production de lait lui a apporté une économie sur les charges. Les achats de tourteaux ont reculé de 20 % en 2 ans. « C’est bon à prendre quand on sait qu’actuellement notre marge brute n’a jamais été aussi basse, avec 170 euros par 1 000 litres de lait contre 250 en 2012. »